Posted on 31 janvier 2012
Au début de l’année 1962 les français sont majoritairement exaspérés par la guerre d’Algérie qui dure depuis 8 ans et l’horreur des attentats et des agissements de l’OAS.
Le climat est extrêmement tendu.
L’état d’urgence est décrété depuis avril 1961, suite au putsch d’Alger.
Une manifestation organisée par la Fédération de France du FLN le 17 octobre 1961 a été réprimée par des actes barbares qui ont fait des centaines de morts. Elle était pacifique et avait pour but de protester contre le couvre-feu institué par le préfet de police Maurice Papon à l’encontre exclusive des Nord-Africains (*).
L’OAS poursuit sa sinistre besogne en ciblant les personnalités culturelles, syndicales et politiques. Le 7 février 1962, 10 attentats au plastic éclatent à Paris et en banlieue, l’un visant le domicile d’André Malraux où une petite fille a été grièvement blessée aux yeux.
La réaction syndicale et politique est immédiate. Une manifestation est organisée le lendemain jeudi 8 février à l’appel de la CGT, la CFTC, l’UNEF, le SGEN, la FEN, le SNI, le PCF, le PSU et le mouvement de la paix.
La manifestation est interdite. Les organisateurs donnent des consignes pacifiques strictes et limitent la durée de 18h45 à 19h30, le temps de lire la proclamation de clôture et d’appeler à la dislocation.
Alors que la foule commence à se disperser, la 31ème .compagnie des forces spéciales de la police charge sans sommation et matraque les manifestants dont beaucoup ont déjà le dos tourné
Ceux qui le peuvent cherchent des abris et certains ont choisi la bouche du métro Charonne. Beaucoup trébuchent et s’empilent sur les marches sous la pression du choc de la charge. Ils reçoivent les coups de « bidules », ces matraques en bois dur de 85 cms de long et 4 cms de diamètre qui multiplient la force des coups et provoquent des fractures graves. Alors qu’ils sont coincés et ne peuvent échapper aux coups, les policiers jettent sur l’amoncellement de corps les grilles métalliques de protection d’arbres ainsi que des manifestants blessés et des grenades lacrymogènes dans la bouche du métro.
Le bilan de cette sauvagerie est 8 morts, des centaines de blessés, certains grièvement dont l’un décèdera à l’hôpital 3 mois plus tard. Les 9 victimes étaient syndiquées à la CGT
Ils s’appellent :
Jean-Pierre BERNARD, 30 ans, dessinateur PTT
Fanny DEWORPE, 31 ans, secrétaire
Daniel FERY, 16 ans, apprenti
Anne-Claude GODEAU, 24 ans, employée PTT (Chèques-Postaux de Paris-Bourseul)
Edouard LEMARCHAND, 41 ans, menuisier
Suzanne MARTORELL, 36 ans, employée l’Humanité
Hippolyte PINA, 58 ans, maçon
Raymond WINTGENS, 44 ans, typographe
Maurice POCHARD, 48 ans, décédé après à l’hôpital
L’émotion est grande et des arrêts de travail sont largement suivis le lendemain partout en France.
Le 12 février, le premier ministre Michel DEBRE va dans les locaux de la police parisienne pour lui témoigner sa confiance et son admiration.
Le 13 février toute activité est interrompue en région parisienne et des centaines de milliers de manifestants défilent de la République au cimetière du Père-Lachaise pour rendre hommage aux victimes et assister à leurs obsèques. Elles sont enterrées prés du mur des fédérés sauf Anne-Claude GODEAU enterrée à Nantes, sa ville d’origine.
Depuis 1962 la mémoire de nos camarades est honorée chaque année, comme à Paris et à Nantes.
Références
Le 8 février 2007, 45 ans après, le carrefour à l’intersection de la rue de Charonne et du boulevard Voltaire a été nommé « place du 8 février 1962 » par Bertrand DELANOE, maire de Paris.
LENY EXCUDERO a écrit en 1968 la chanson « Je t’attends à Charonne » dédiée aux victimes.
RENAUD, dans sa chanson « Hexagone », rappelle cet évènement dont il critique l’oubli.
Le film « Diabolo menthe » réalisé par Diane KURIS (1977) relate également la tragédie.
Le film « Elise ou la vraie vie » réalisé par Michel DRACH (1970) relate la période du couvre-feu réservé aux seuls Nord-Africains.