CGT et syndicalisme international, lutte contre l’extrême droite, rapports de force…en débat à l’UD CGT 82.

Le 16 mai, le collectif international de l’UD82 organisait une journée d’étude sur  » l’importance du syndicalisme international pour lutter contre le capital et l’extrême droite »
En présence de notre camarade Jean Pierre Page ancien membre de la direction confédérale et ancien responsable du secteur international confédéral, cette journée fut riche en échange et débats.
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Le monde change vite !

Elections européennes, extrême droite, rapports des forces, CGT et syndicalisme  international. Dans une réunion syndicale avec des militants de la CGT du Tarn et Garonne qui s’est tenu à Montauban le 16 mai 2024 Jean-Pierre Page à participer à la discussion avec la  contribution suivante.

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Dans 2 semaines environ, auront lieu les élections européennes. Pour les peuples et les travailleurs, l’Union européenne (UE) est au coeur d’une crise profonde et leur divorce avec celle-ci est largement consommé.

 

1-L’union Européenne vacille, un autre rapport des forces émerge.

La crédibilité politique, économique, sociale, culturelle des institutions Européennes a en effet considérablement régressé.  Des clivages et des divisions de plus  en plus nombreux sont apparus entre les pays membres et touchent à tous les domaines, social, sécuritaire, réfugiés, économique, monétaire, etc. La corruption à travers le rôle de milliers de lobbies atteignent autant la Commission de Bruxelles et sa présidente que le Parlement lui même. Pour exister, l’U.E cherche à combler son fonctionnement antidémocratique en recourant à un autoritarisme et s’en prend aux libertés fondamentales. Comme on le voit en Ukraine, au Proche Orient ou à l’égard de la Chine sa servilité à l’égard des Etats-Unis illustre combien cette crise existentielle tient à la nature même de ce qu’est l’U.E. Comme à ses débuts,  les institutions européennes poursuivent une évolution consistant à entretenir un voisinage consanguin avec les forces politiques les plus rétrogrades de l’extrême droite néo fasciste. L’U.E vacille sur ses bases, elle est isolée et on ne saurait parier sur son avenir. En fait, celle-ci est sans perspective, le pire est à venir.

Par ailleurs, cette évolution incontestable de l’Euopre n’est pas indifférente à un début de changement significatif des rapports de forces dans le monde. Elle en est même un révélateur.

Plus de 30 ans après la destruction de l’URSS et des pays socialistes d’Europe de l’Est, le pouvoir unipolaire mis en place par les Etats-Unis avec le soutien de leurs vassaux européens est aujourd’hui ouvertement contesté. Le système dominant se lézarde et il faut en prendre la juste mesure. L’impérialisme doit faire face à un désaveu grandissant et à une mise en cause des peuples, des travailleurs, y compris ceux de son propre camp, en particulier la jeunesse. De plus, de nombreux états en voie de développement cherchent à se dégager de cette volonté hégémonique que l’on cherche à imposer, quoi qu’il en coute. Cette tutelle étouffante que l’Occident exerce, il entend l’exercer par tous les moyens, y compris par les guerres et même la menace d’une 3e guerre mondiale. C’est significatif en Ukraine  avec cette guerre contre la Russie qui est lourde de menaces nucléaires et pour laquelle américains et européens exigent que l’on se batte jusqu’au dernier ukrainien pour le plus grand profit du complexe militaro industriel et au prix d’une régression sociale comme d’un cout humain sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.

En fait, le déclin du système occidental dominant ne cesse de s’élargir face aux résistances des peuples. Le rôle de ces derniers est déterminant dans ce changement. C’est ce que l’on voit en Palestine et à travers l’extraordinaire mouvement de solidarité mondiale dont la résistance de la nation palestinienne bénéficie. C’est aussi le cas à travers  une nouvelle génération de combats émancipateurs face au colonialisme, que l’on peut constater en Afrique de l’Ouest, dans plusieurs pays d’Amérique Latine et d’Asie et plus récemment en Nouvelle Calédonie et ce après Mayotte ou les arrogances néocoloniales et racistes françaises sont devenues insupportables. La rencontre de juillet 2023 du Groupe d’initiative de Bakou(Azerbaïdjan) avec le Mouvement des Non Alignés et 14 mouvements politiques indépendantistes des dernières colonies françaises y compris de Polynésie en lutte pour une véritable décolonisation et leur autodétermination en est une importante illustration.

2- Des alliances anti-hégémoniques.

C’est le cas aussi des alliances anti hégémoniques qui se nouent et qui bouleversent la géopolitique. C’est ce que l’on peut vérifier avec la montée en puissance de plusieurs pays émergents avec le rôle pivot joué en leur sein par la Chine dans le cadre de cette alliance politique, économique, financière et bientôt monétaire des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). En janvier 2024, celle-ci s’est renforcée par l’adhésion de cinq nouveaux membres dont l’Iran et l’Arabie Saoudite, d’autres états sont candidats comme le Venezuela et l’Algérie. On peut également noter au plan monétaire et commercial ce mouvement à la dé-dollarisation, à la vitalité spectaculaire du marché de l’or, et à l’abandon massif par la Chine des bons du trésor US qu’elle détenait comme la création de nouvelles institutions internationales parallèles à celles de Bretton Woods. Cette évolution illustre le choix d’un nombre toujours plus grand de pays en faveur d’un nouvel ordre économique international. Nombreux sont ceux qui dorénavant entendent affirmer leur indépendance afin d’exercer leurs décisions souveraines sur leurs ressources comme sur leur choix politiques et le contenu de leur développement économique et social.

Il convient donc de se poser la question sur les causes et la signification profonde de ces changements inédits. Ils s’accélèrent et vont déterminer l’avenir des relations internationales dans la toute prochaine période. Ceux-ci sont fondamentalement caractérisés par des contradictions internationales de plus en plus aigue. D’une part le camp occidental s’obstine et s’arcboute, si nous baissons la garde, le monde libéral disparaitra » alerte Francis Fukuyama. D’autre part le vaste monde que l’on nomme abusivement le sud global se rebelle, il ne manque pas de soutiens ! Dans cette conflictualité mondiale qui s’aggrave la division internationale du travail qui avait prévalu est devenue intenable. C’est le cas entre dominants et dominés, entre  besoins de développement et financiarisation mondialisé, entre inégalités et accumulation de richesses et de privilèges aux mains de quelques parasites, entre nations qui portent un projet de justice sociale et de coopération gagnant/gagnant et celles pour qui la recherche du profit maximum exige de détruire les conquêtes sociales et économiques. La cause principale de cette crise, n’est pas tant la forme qu’elle prend même si on ne saurait la négliger, elle tient au fond de ce qu’elle démontre quant à la nocivité et à la nature d’un système anachronique qui n’est rien d’autre qu’un capitalisme devenu totalement périmé et incohérent au regard des exigences de devenir de l’humanité.

 

Par conséquent, la perspective immédiate qui domine est celle d’une période de grandes turbulences à l’issue incertaine. Ce désordre violent va croitre! Hyper inflation, sur endettement, inégalités sans précédents, tensions sociales de toutes sortes, avenir et statut des réfugiés, conflictualités menaçantes et guerres de haute intensité vont contribuer à une instabilité politique chronique. Cela va bouleverser l’ordre des choses partout et tout particulièrement  dans des pays comme les Etats-Unis dont la fragmentation de la société est déjà extrême ce que vont illustré les prochaines élections présidentielles. Ce n’est là, probablement, que la partie émergée de l’iceberg.

 

3- Des libertés fondamentales menacées.

Face à cette tendance, la mise en cause des libertés fondamentales, que chacun peut constater, se poursuit partout. En fait, elle ne cesse de s’aggraver de manière inquiétante. Elle est une des caractéristiques de cette violence d’état à laquelle E. Macron et son gouvernement ont recours de manière systématique. Elle s’abat brutalement sur les travailleurs dès lors qu’ils expriment leurs revendications, sur les jeunes et même sur des parlementaires. Depuis le mouvement des gilets jaunes, la police mais également la justice avec la magistrature font preuve d’un zèle digne de tout régime dans lequel les libertés démocratiques ont été bannies.

C’est pourquoi l’on peut dire aujourd’hui que ce néofascisme n’a nul besoin de bandes armées pour détruire des organisations politiques et syndicales, ou pour en finir avec les conquêtes ouvrières. Tout simplement par ce que les gouvernements qui se sont succédés s’en sont chargés. Ainsi les partis sont atomisés, les syndicats sont minorés, les institutions représentatives sont dorénavant intégrées à l’Union Européenne qui leur interdit toute réflexion critique ou action indépendante, c’est ainsi qu’on encadre le fonctionnement des parlements nationaux. C’est aussi le cas en orientant les narratifs des médias à travers un modèle caricatural de pensée unique, répété en boucle et uniformément, autant que par le contrôle et la répression tatillonne des réseaux sociaux. L’objectif est de museler tout espace de liberté d’expression, comme le veut la directive du commissaire européen Thierry Breton ou encore comme l’illustre l’affaire Guillaume Meurice, cet humoriste suspendu de Radio France pour avoir osé critiquer le criminel de guerre Netanyahu.

Pour chercher à remobiliser l’opinion électoralement et socialement la plupart des forces politiques et syndicales agitent l’épouvantail de la menace de l’extrême droite néo-fasciste. On en parle en soit sans relation avec les causes réelles de l’influence qui est la sienne. On ne la stigmatise pas, tout au contraire on la dé diabolise y compris en la respactibilisant et en assurant sa promotion médiatique.

En France, on assiste de la part des politiciens, de syndicalistes et d’experts de plateaux à la mise en place d’une forme d’union sacrée. Elle se veut consensuelle et n’entend jamais évoquer les raisons véritables à l’origine des ressentiments légitimes d’un grand nombre de travailleurs et de citoyens tout comme au besoin d’une alternative politique véritable. Ainsi, plutôt que de mettre en question le fond on préfère faire diversion et parler d’autre chose. Pour ce faire, on dresse un écran de fumée sur le désastre économique, social et politique, les menaces sur la paix, les libertés individuelles et collectives que représente la politique du gouvernement tout comme celle de l’Union Européenne. Dans les faits l’objectif est de sauver le système capitaliste en crise profonde en lui accordant une nouvelle rémission afin qu’il puisse poursuivre sa malfaisance et cela au besoin en recourant aux pires idées réactionnaires.

4- Qu’elles sont les germes de l’extrême droite ?

En fait, pour étouffer les résistances, l’élite dirigeante en France comme dans la plupart des pays européens a besoin des extrémistes de droite et des néo fascistes. C’est pourquoi, c’est bien la bourgeoisie qui créé délibérément ce climat politique obscurantiste et rétrograde dans lequel les germes de l’extrême droite et du fascisme peuvent se développer. D’autant que dans les faits leur programme est identique.

D’ailleurs ensemble ils le mettent en pratique et collaborent étroitement. Cela n’est nulle part plus évident que dans la répression brutale des mouvements sociaux et le rejet de toute politique sociale,  par l’instrumentalisation de l’insécurité, par la persécution des réfugiés ou des manifestations contre le génocide à Gaza. On peut le vérifier dans les votes à l’Assemblée nationale comme au Parlement européen. Ainsi la violence des mesures gouvernementales contre l’immigration a même fait déclarer à M. Lepen que le gouvernement avait trouvé son inspiration dans le programme du Rassemblement National. Elle voyait là une victoire idéologique. G.Attal s’apprête d’ailleurs à renouveler cette approche à travers un dispositif autoritaire sur la suppression d’allocations sociales aux familles au nom de la sécurité à l’école.

Dans ces conditions, la responsabilité de la montée de l’extrême droite incombe entièrement aux forces politiques et économiques qui déterminent actuellement la politique en France comme c’est le cas au niveau européen. Par conséquent l’idée que la montée de l’extrême droite peut être stoppée en votant pour ces partis de gauche, verts, sociaux-démocrates ou libéraux et conservateurs – est une dangereuse illusion. La réalité est tout autre. La lutte contre l’extrême droite n’est pas une question d’arithmétique électorale, mais de dynamique des luttes de classes. C’est ce que nous enseigne l’histoire ! Les premiers combats contre l’occupation hitlérienne de la France et la collaboration de Vichy se firent à travers des manifestations ouvrières qui revendiquaient du savon et du pain. Ne l’oublions pas. La meilleure manière de lutter contre l’extrême droite véhiculée par le partenariat d’E. Macron, de M.Lepen et du patronat s’est de lutter pour les revendications et une rupture véritable avec le capitalisme et son idéologie mortifère. Mais bizarrement là, les confédérations syndicales sont aux abonnés absents.

En définitive, la politique d’E Macron tout comme celle de Bruxelles ou des forces d’extrême droite sont des choix mis au service du capital financier mondialisé dont la fonction est de poursuivre le pillage du travail et des ressources naturelles sous toutes ses formes en Europe comme dans les pays en développement et dans le reste du monde. Ainsi en va t’il de la fonction de la dette qui est le moyen dont use et abuse les économies occidentales pour enrichir plus encore cette sangsue qu’est devenu le système financier mondial. C’est pour cela et pour rien d’autres que l’on entend créer les conditions nécessaires à la mise en place d’un État policier dirigé contre l’ensemble de la classe ouvrière. En fait la responsabilité de la montée de l’extrême droite dans les élections en France et en Europe ce sont bien les politiques mises en œuvre par les principaux dirigeants européens dans leurs pays respectifs et ce quelque soit leur appartenance politique et les complicités dont ils bénéficient. Il est consternant de remarquer qu’aucun syndicat ne met en question ceux qui par le contenu de leurs décisions sont ceux à l’origine de l’influence de l’extrême droite.

5- Von der Leyen complice de l’extrême droite.

C’est d’ailleurs si vrai qu’en Europe, Von der Leyen travaille depuis longtemps en étroite collaboration avec la néofasciste Giorgia Meloni, la présidente du conseil italien, qui est également la présidente des CRE     ( Groupe parlementaire des conservateurs et réformateurs européens à laquelle adhère la plupart des forces de l’extrême droite politique). Ainsi, Von der Leyen a appliqué le récent durcissement de la législation européenne en matière d’asile en s’inspirant des décisions de G. Méloni. Von der Leyen, entend même aller plus loin en reprenant à son compte le système que vient de mettre en place le premier ministre britannique de refoulement des réfugiés sans distinction de nationalité vers le Ruanda.

En réalité, les principaux représentants actuels de la Commission de Bruxelles comme du Parlement européen se préparent à coopérer étroitement avec les partis d’extrême droite. On ne fait plus mystère dans cette configuration que les partis d’extrême droite seront appelés à jouer un rôle important après les élections, tant au Parlement européen qu’à la Commission européenne. Le fameux pare-feu contre l’extrême droite, ou cordon sanitaire, qui a toujours été une fiction, tombera alors définitivement. Pendant ce temps, les médias vont continuer à amuser la galerie avec les performances électorales supposées des uns ou des autres ou la perspective d’un débat M. Lepen/E. Macron. Ces jeux politiciens ne sont faits que pour détourner l’attention des gens. Ils contribuent à respactibiliser ceux que l’on présente comme des adversaires mais qui en fait sont les acolytes et les associés d’un même système de dupes.

Von der Leyen, celle là même qui aux côtés du Chancelier allemand a reçu  une longue standing ovation et un soutien inconditionnel de la part de tous les délégués du 15e Congrès de la  Confédération Européenne des Syndicats (CES) à Berlin est la seule candidate des conservateurs du Parti populaire européen (PPE). Elle s’apprête ainsi à être réélue à la tête de la Commission avec les voix des extrémistes de droite. Il va sans dire que ces derniers exigeront un prix sous la forme de concessions politiques et de postes importants au sein de l’UE. Que diront alors ceux qui parlent de la menace fasciste mais qui en fait sont les idiots utiles d’un système qui dans l’histoire et depuis a montré qu’il était capable de recourir aux politiques les plus extrémistes y compris la guerre pour maintenir l’exercice d’un pouvoir totalitaire.

Dans cette perspective et pour satisfaire leur soif de profits, de pillage des matières premières et de marchés, l’UE et ses États membres sont une fois de plus prêts à commettre les pires crimes en poussant plus loin leurs engagements en faveur de la guerre en Europe. Comme aux Etats-Unis ou le budget de la défense approchera cette année les 1000 milliards de dollars, le complexe militaro industriel occupe une place centrale au cœur des économies européennes et nord américaines.

6-L’interventionnisme de l’OTAN et de l’UE.

L’interventionnisme de l’OTAN est partout encouragé. On se prépare à des guerres de haute intensité. Ainsi, avec 172 milliards d’euros, Bruxelles aura investi plus d’argent que les États-Unis pour alimenter la guerre en Ukraine contre la Russie. Par ailleurs, l’Union Européenne soutient inconditionnellement Israël et le tragique génocide à Gaza que Netanyahu applique en forme de solution finale du problème palestinien. Avec  les Etats-Unis l’U.E participe à l’encerclement  militaire de la Chine et au renforcement des alliances militaires en Asie du Sud-Est. C’est dans ce contexte que Macron après avoir obtenu le soutien du Parlement français en faveur de nouveaux crédits militaires pour le régime nazi de Kiev, souhaite impliquer des forces militaires françaises dans le conflit ukrainien. Il entend également partager et mutualiser le système français de défense nucléaire avec l’Union Européenne au mépris de tous les principes de souveraineté. Il en va d’ailleurs de même avec le siège de la France au Conseil de Sécurité des Nations Unies.

L’Europe et donc la France répercute les coûts de la guerre et du militarisme sur la classe ouvrière et les jeunes. Ce point est important car outre sa fonction qui est de soumettre le monde du travail à de nouvelles contraintes au nom d’une prétendue solidarité européenne au nom de laquelle il faudrait se préparer à la guerre, Bruxelles entend attiser partout dans le monde la conflictualité aux côtés de Washington. C’est le cas en Ukraine, mais c’est aussi le cas dans de nombreux pays aux marches de la Russie en Géorgie, en Moldavie, en Arménie mais aussi à Chypre, en Serbie et dans les Balkans, c’est encore le cas au Proche au Moyen Orient ou les enjeux économiques pour le contrôle des sources d’énergie ou des corridors terrestres et maritimes sont évidents.

L’élargissement des prérogatives de l’OTAN, l’augmentation des crédits militaires, l’usage illégal des sanctions économiques et financières, les mesures innombrables de coercitions  comme on le voit contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua constituent une autre facette de cet arsenal autoritaire. Pour sa part le système onusien est instrumentalisé, présenté comme obsolète, on  met en cause le multilatéralisme et la Charte des Nations Unies elle-même. Par tous les moyens et à n’importe quel prix,  le camp occidental cherche à déstabiliser par le chaos en se livrant aux ingérences,  en procédant directement aux changements de régime et ce partout ou son pouvoir est contesté. Il le fait au besoin en recourant aux forces les plus extrémistes, comme avec la recette ultra libérale des Chicago boys de Milton Friedman. On les avait déjà vu on les revoit encore en Argentine ou elles inspirent la politique du néofasciste Javier Milei qui heureusement se heurte à une forte opposition populaire.

Pour le camp occidental, le problème pourrait-on dire c’est que le monde change vite et même très vite. En fait nous sommes à un tournant qui implique d’autres choix, ceux en faveur du développement, de la justice sociale, de la coopération, de la paix. En fait tout ce qui s’oppose à la logique destructrice et prédatrice de l’Occident capitaliste. Le  déclin auquel nous assistons est donc le reflet d’une contestation d’un système d’agression et de pillages qui a fonctionné jusqu’à présent dans un rapport de forces international qui en apparence semblait immuable mais qui aujourd’hui voit son pouvoir totalitaire ouvertement contesté.

En fait, les intérêts de la majorité des peuples ne peuvent être compatibles avec l’appât du gain et les aspirations impérialistes de la classe dirigeante. Là est la contradiction principale. Cela exige pour le mouvement ouvrier pour les forces progressistes et le syndicalisme en particulier d’en prendre conscience afin de contribuer de manière indépendante à ce que les peuples, les travailleurs se prennent en charge, s’engagent afin de se réapproprier une autre manière de concevoir leur engagement syndical et politique.  Il s’agit pour le monde du travail de soutenir toutes actions visant à briser le pouvoir des banques et des sociétés multinationales, des institutions financières et affaiblir par tous les moyens les pouvoirs du système impérialiste à commencer par le notre. Il faut avoir pour cela l’ambition de développer une solidarité internationaliste de notre temps avec toutes les forces sociales et politiques qui non seulement contestent la domination du capital mais entendent rompre avec celui-ci.

7- Comment se présente la situation syndicale internationale ?

Comment le syndicalisme se détermine face à une situation aussi inédite? Le seul constat qui s’impose, c’est qu’il est en partie hors jeu, inopérant, atone, sans ressort et surtout dépendant d’évènements qu’il subit. Il est un fait qu’en France, en Europe et internationalement le syndicalisme dominant c’est-à-dire le syndicalisme occidental de conception réformiste n’entend pas mettre en cause le fond des choses, c’est-à-dire la contradiction capital/travail. En fait, il ne cherche pas à contester le système capitaliste qui à ses yeux fait figure de sujet intouchable, indépassable et tabou. Il s’en accommode, pire, il s’y est rallié. Par ses orientations, ses décisions et son fonctionnement il entend accompagner celui-ci et le soutenir comme vient de l’illustrer le long conflit de l’automobile aux Etats-Unis ou le syndicat UAW affilié à l’AFL-CIO a volé aux secours des grands groupes comme Stellantis, Ford, General Motors mais aussi du candidat Joe Biden qu’il faut aider à sauver par un bel élan d’indépendance syndicale.

C’est d’ailleurs ce que font la plupart des forces syndicales affiliés à la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et à la Confédération Syndicale internationale (CSI, ex CISL) dans leurs pays respectifs à travers une rhétorique partisane éloignée de la réalité et du vécu de millions de travailleurs. Pour elles, la recherche du dialogue social doit primer sur l’action. L’institutionnalisation du syndicalisme est devenu la règle à travers un partenariat où il s’associe avec les institutions et les partis politiques. Cette approche qui a bradé l’indépendance, la liberté de parole et d’action des syndicats conduit à l’attentisme, à l’amertume, à la lassitude et aux désengagements de la vie sociale et politique d’une majorité des travailleurs tout particulièrement en Europe.

Pourtant, quand la richesse des milliardaires explose, les salaires réels et les avantages sociaux diminuent, c’est ainsi ! Les orientations et décisions du capital conduisent partout au pillage aggravé de la force de travail et donc à un recul social sans précédent à l’origine d’une pauvreté de masse et d’une paupérisation qui ne cesse de grandir.  La cause en sont les politiques réactionnaires comme l’illustrent les récentes annonces de G. Attal à travers la destruction du système d’indemnisation des chômeurs,  le blocage des pensions et retraites,  l’accélération de la casse des services publics avec de nouveaux projets de lois de démantèlement en route, des centaines de milliers de pertes d’emplois, un système éducatif plus sélectif que jamais et que l’on dégrade plus encore par un autoritarisme désuet, un système des soins et de santé réduits au point d’être arrivé à un état de non fonctionnement permanent. Face aux résistances,  la répression syndicale de masse est sans précédent, plus d’un millier de militants de la CGT font l’objet de procédures devant les tribunaux dont Jean Paul Delescaut condamné à un an de prison avec sursis pour apologie du terrorisme en fait pour avoir affirmé sa solidarité avec le peuple palestinien. Beaucoup d’autres le sont comme lui.

Face à cette situation lourde de périls, la plupart des confédérations syndicales en Europe sont à l’exemple de la CES, dans la position d’un spectateur passif. Face aux conflits et tensions qui s’intensifient leur tâche principale semble être de préserver la paix sociale, c’est-à-dire d’étouffer en fait la lutte des classes. On ne saurait les taxer de négligence, d’incompétence ou d’insuffisance, il s’agit de choix délibérés cohérents avec leurs orientations. La CES contribue ainsi à paralyser le monde du travail, c’est-à-dire la seule force sociale capable d’affronter l’état autoritaire en forme de néofascisme.

8- Attentisme et dialogue social.

Cette situation est préjudiciable en tout premier lieu aux travailleurs, laissés ainsi sans perspectives, ni alternative véritable. C’est entre autre pourquoi un grand nombre d’entre eux se détournent du syndicalisme et de l’action collective ou s’apprêtent dans les prochaines semaines à se réfugier dans l’abstention politique à l’occasion des élections européennes dont d’ailleurs ils ne voient pas l’utilité puisqu’en dernière analyse on ne tient pas compte de leur vote et de leurs opinions.

Malgré l’attentisme du syndicalisme « de dialogue social » l’action rendue nécessaire de millions de travailleurs dans les entreprises et les quartiers populaires, d’agriculteurs et de jeunes en Europe comme dans le monde exprime une colère, une exaspération et des exigences de justice, de liberté et de respect. Nombreux sont ceux qui font grève face à la baisse de leurs revenus, à l’accélération des cadences de travail ou encore pour protester contre le génocide à Gaza, comme c’est le cas dans de nombreuses universités en Europe et aux Etats-Unis. Ces mouvements d’une grande diversité dans les entreprises et les quartiers populaires dont l’importance ne saurait échapper sont aussi révélateurs de perspectives et de profonds changements des consciences. Il se développe malgré les violences policières, et les campagnes politiciennes de discrédit médiatique et de répression de la parole autant que de l’action, mais aussi indépendamment de la plupart des Confédérations syndicales . C’est le cas au sujet de la solidarité avec la résistance palestinienne et de la critique du génocide mis en œuvre délibérément par Israël, que l’on laisse assimiler dorénavant à une apologie du terrorisme, voir à de l’antisémitisme, y compris dans les rangs de certaines organisations de la CGT.

Les intérêts géopolitiques des états, le commerce, le contrôle, et le pillage des richesses, les conditions de leur accès, le soutien aux entreprises transnationales, la mainmise sur les communications et les technologies du futur, les conflits asymétriques qui se multiplient son autant de sujets qui sont au cœur des préoccupations de chaque Etat et gouvernement.

 

Par ailleurs, cela contribue à déterminer les alliances, les politiques nationales et internationales et a influer sur les rapports de force. Bien évidemment,  la France n’échappe pas à cette réalité, à cette façon de voir et de faire. Cela était vrai hier de sa politique internationale comme puissance coloniale et impériale cela est le cas aujourd’hui, en particulier en Afrique ou dans ce que l’on nomme les territoires et départements d’Outre-Mer ou la France revendique un pré carré de plus en plus en perdition. Toutes ces considérations et ces constats influencent la vie des gens au quotidien et tout spécialement celle des travailleurs au sein des entreprises.

 

Il n’y a pas de philanthropie dans les relations internationales, chaque état défend ses intérêts nationaux et l’ONU n’est que le reflet d’un rapport des forces. Comme on vient de le voir récemment, à la fois capable à son Assemblée Générale de voter à une très large majorité la reconnaissance et l’adhésion de la Palestine au système onusien mais dans le même temps incapable d’appliquer cette décision par le veto des Etats-Unis et l’opposition hystérique d’Israël .

 

Même vassalisée et atlantiste, la France est une des principales puissances impérialistes, puissance nucléaire, elle est membre du conseil de sécurité de l’ONU. Elle aspire à jouer un rôle déterminant dans le leadership qu’elle partage avec l’Allemagne en Europe. Cette réalité impose une responsabilité particulière aux syndicats et à la CGT en particulier. Elle a donc besoin à tous les niveaux de son organisation d’une analyse, si elle veut jouer un rôle et prétendre à une stratégie syndicale conséquente susceptible de peser sur les orientations de la France et au-delà, qu’il s’agisse de celles du gouvernement, comme des entreprises, ou des institutions supranationales voire des différentes forces politiques. Ainsi, la récente orientation en forme de provocation irresponsable annoncée par Macron d’impliquer la France aux côtés du régime néo nazi de Kiev, devrait faire l’objet d’une action résolue de la part de la CGT, tout comme d’ailleurs des organisations pacifistes  pour s’y opposer. Nous n’en sommes pas là. Et cela d’autant plus que la CGT entretient dorénavant des relations étroites et soutient financièrement une organisation prétendument syndicale comme la KVPU dont le principlal dirigeant Mikhaielo Volynets est un cadre du mouvement nazi AZOV auquel d’ailleurs V. Zelinski vient de rendre un hommage appuyé.

 

9- Quelle activité internationale de la CGT.

 

Dans ce contexte, et pour ces raisons la CGT avec d’autres organisations en Europe, dans le monde et pas exclusivement syndicales se doit d’échanger, de partager, de s’informer, de façon bilatérale ou multilatérale avec l’objectif que ce travail soit utile à son combat et à celui d’autres. Est ce la démarche qui l’anime aujourd’hui en toutes circonstances ? Rien n’est moins sur ?

 

Ni angélisme, ni idées reçues, ni a priori, la CGT a besoin de tous les éléments d’appréciation pour se déterminer en connaissance de cause. Elle se doit de les apprécier à partir de principes,  et non à partir de positions de circonstances déterminées par l’air du temps, ou tout simplement par le souci d’être euro compatible c’est-à-dire en conformité avec la pensée syndicale réformiste dominante au sein de la plupart des confédérations syndicales en Europe.

 

L’ activité internationale de la CGT se doit d’être indépendante et pour ces raisons être un engagement constant  dans le but de nouer les solidarités nécessaires et construire des rapports de force internationalement permettant aux peuples et aux travailleurs de gagner. C’est  historiquement cette démarche qui à contribuer à lui donner ce caractère singulier, et son identité comme à la reconnaissance internationale qui est, ou disons plutôt, qui a été la sienne.

 

Il existe dans le mouvement syndical international deux conceptions, deux visions, une approche de classe et une autre qui est une conception réformiste et de collaboration de classes. Ainsi par exemple il existe deux confédérations, internationales la CSI et la FSM, pas une, mais deux.  Par ailleurs il y a aussi d’autres structures régionales pour chaque internationale syndicale ce qui représente mondialement une force organisée incontestable que l’on évalue autour de 450 millions d’affiliés étant entendu qu’un grand nombre de confédérations syndicales n’on pas d’affiliation internationale, c’est le cas par exemple de la Fédération des Syndicats de Chine. Toute la question étant de savoir comment cette grande force des syndicats dans le monde intervient et pèse en faveur de la justice sociale, de la paix, de la coopération, du développement et des intérêts des peuples.

 

Si l’on jette un regard rapide sur les débats dans la CGT que constatons-nous s’agissant de la FSM, de la CES ou de la CSI ?

 

10- Qu’en est-il de la FSM.

 

Des militants voudraient ignorer ou feindre d’ignorer l’existence de la  FSM. Pourtant celle-ci défend des positions anticapitalistes et anti impérialistes. Sa représentativité est indiscutable, elle revendique désormais près de 110 millions d’adhérents dans plus de 135 pays ? Son congrès de Rome en mai 2022 a été un succès tant par une participation exceptionnelle y compris de syndicalistes et américains ou du DGB allemand  que par les décisions prises d’être toujours mieux en phase avec les luttes sociales et politiques émancipatrices sur le terrain. Elle est présidée par un dirigeant de la prestigieuse COSATU d’Afrique du Sud et animée par un nouveau secrétaire général Pambis Kiritsis de la PEO cette importante centrale syndicale particulièrement combative à la tête des luttes des travailleurs chypriotes.

 

Est-il acceptable de se taire, pire de cacher la solidarité qu’exprime la FSM vis-à-vis des luttes des travailleurs français comme encore récemment à l’égard de J.P Delescaut dirigeant de la CGT du Nord ou comme ce fut le cas dans l’important mouvement sur les retraites et alors qu’internationalement qu’elle a été la seule dans ce cas ? Pas seulement avec des déclarations mais avec des initiatives concrètes dans les entreprises devant les ambassades de France, comme dans les manifestations en France et dans de très nombreux pays. Alors pourquoi le taire, pourquoi cet ostracisme d’un autre âge  ?   C’est pourtant ce que fait délibérément le département international et la direction de la CGT.

 

Autre exemple, ne faut-il ne rien dire sur le fait que d’importantes Confédérations dans le monde ont préféré choisir la FSM plutôt que la CSI, c’est le cas en Afrique, en Asie, en Amérique Latine ? On ne saurait écrire ou réécrire l’histoire comme elle convient.

 

Disant cela, l’intention n’est pas de démontrer que la FSM serait sans critiques, sans carences, sans faiblesses, ni insuffisances.  Bien sûr, il est important pour la FSM de disposer d’une stratégie de conquête dans les pays développés particulièrement en Europe où son implantation reste faible, même si elle a progressé comme en Italie, en Grèce, en Grande Bretagne et en France notamment avec des organisations représentatives et combatives. La FSM doit également et impérativement trouver les moyens de dialoguer et de coopérer pour agir avec toutes les forces syndicales qui se battent résolument et dont les orientations s’opposent aux capitulations de la CES et de plusieurs confédérations.

 

Mais,  il est un fait indiscutable que depuis son congrès de La Havane en 2005, et alors que beaucoup l’avaient enterré un peu vite, celle-ci s’est profondément renouvelée, transformée en mettant en pratique des réformes que d’ailleurs la CGT avait préconisées concernant la FSM dès les années 90. Les résultats de celle-ci sont incontestables, sa crédibilité a progressé de manière significative. Pour beaucoup de syndicats dans le monde, cette évolution est observée avec intérêt et sympathie comme une alternative possible à la crise du syndicalisme international. La FSM compte de nouveau dans le paysage syndical mondial ! Au nom de quoi et de qui faudrait-il le taire dans la CGT ? Que craint on ?

 

Existe t’il un problème avec le syndicalisme qui défend des positions critiques vis a vis du capitalisme, de l’impérialisme, de l’Europe, de l’euro et qui attache une grande importance à la solidarité internationale de lutte, qui considère l’action revendicative comme le meilleur et seul moyen pour anticiper toute discussion ou négociations en position de force. L’engagement remarquable et permanent de la FSM vis-à-vis de la résistance palestinienne et de tout un peuple soumis à un génocide est un bon exemple de ses capacités à mobiliser. C’est pourquoi ce syndicalisme de lutte de classes qu’incarne la FSM a les moyens de progresser sensiblement en influence comme en force organisée.

 

 

11- Qu’en est-il de la CES, CSI.

 

On aura du mal à trouver le même comportement du côté de la CES et de la CSI. Au plan international et européen celles-ci ne font qu’épouser le point de vue occidental en restant muet, par exemple devant les crimes commis par l’état raciste d’Israël au nom du fait qu’un des affiliés de la CSI est la Histadrut israélienne. Pourquoi ne faudrait-il pas en parler ?

 

Car enfin, est-on si certain qu’il y a compatibilité entre les orientations des organisations syndicales CGT en particulier dans les entreprises et celles du syndicalisme européen CES ou celui incarné au niveau international par la CSI ? Qu’en pensent les syndiqués et les militants de la CGT ? Ont-ils la parole à ce sujet ? Si la CGT continue à revendiquer une analyse de classe, celle-ci doit être cohérente avec ses positions internationales! Si elle fait d’autres choix ce qui est son droit, elle doit le dire, mais c’est à ses syndiqués et militants d’en décider.

 

Soyons lucide, en Europe la CGT de par la combativité de nombre de ses militants et de ses syndicats est toujours perçu comme une sorte d’anomalie au regard de ce que représente et ce qui domine dans le syndicalisme européen. De nombreuses forces politiques et syndicales aimeraient voir la CGT se mettre définitivement en conformité d’orientation et de fonctionnement avec le syndicalisme européen permettant de créer ainsi des conditions en faveur de l’émergence en France d’une grand pole syndical réformiste. Bien que cette orientation a été contesté et abandonné par les délégués au 53e Congrès Confédéral, la nouvelle direction de la CGT persiste à ne pas en tenir compte et pousse actuellement plus avant les discussions avec d’autres organisations syndicales comme la FSU, dans le but à terme de fusionner. Ceci ne pourrait être qu’une étape en vue de la création d’un cadre plus large dont l’intersyndicale dans le mouvement des retraites de 2022/2023 avait donné un avant gout.

 

Dans ce contexte,  apparait de plus en plus nettement, l’impasse stratégique dans laquelle se trouve aujourd’hui le syndicalisme européen incarné par la CES et internationalement par la CSI. Son institutionnalisation, sa bureaucratisation, son mutisme face au développement de l’action revendicatives souligne ce que ces deux organisations sont en définitive : les roues de secours du système capitaliste dominant, sa justification sociale et finalement des rouages de l’Union européenne et des institutions financières internationales, dont par ailleurs elles sont dépendantes financièrement à travers leur budget et comme l’illustre les affaires de corruption dans lesquelles la CES et son ex secrétaire général ont été impliqués récemment et qui ont contraint celui-ci à la démission.

 

Pendant de nombreuses années l’argument officiel de plusieurs dirigeants de la CGT fut : adhérer à la CES c’est se donner les moyens d’influencer le syndicalisme européen et avec d’autres confédérations rendre celle-ci plus combative, plus démocratique et indépendante. D’autres ajoutaient que l’objectif  était aussi, de rendre conciliable la CGT avec la conception qui a leurs yeux dominait de manière irréversible  le syndicalisme européen et international, c’est-à-dire une vision réformiste des rapports entre le capital et le travail afin de favoriser un prétendu « dialogue social » par la «concertation» la «proposition», la «négociation», « le partenariat ».

 

Bien que la quasi-totalité des confédérations syndicales en Europe soutenait  l’affiliation de la CGT, l’opposition en France particulièrement de la CFDT persistait. Lever celle-ci était une condition pour permettre l’affiliation de la CGT du fait des statuts de la CES. Pour sortir de cette situation, il fallait parvenir à un compromis impliquant de la part de la CGT, une révision, un recentrage, en accélérant une mutation déjà engagée depuis des années.

 

Commodément, ceci fût fait au nom d’un nouveau concept, celui du« syndicalisme rassemblé » ainsi qu’à une modification des statuts en particulier ceux portant sur ce que l’on a coutume d’appeler la double besogne. On s’empressa d’adopter ces changements de principes pour les adapter aux autres confédérations françaises, européennes et internationales. Malgré les critiques fort nombreuses dans la CGT on a depuis continué à défendre bec et ongles cette conception dont l’échec est patent après plus de 25 ans.  Comme on l’a vu au 53e congrès, cette obstination dont certains dirigeants continue à faire preuve n’est pas sans risques pour l’unité et la cohésion de la CGT.

 

Cette révision doctrinale à laquelle la direction de la CGT a contribué a entraîné une réorientation des activités internationales de la CGT, une approche différente des enjeux européens, une normalisation des relations avec la CFDT, une révision des fondamentaux comme déjà précédemment l’avait été  l’abandon du concept de socialisation des moyens de production et d’échange qui appartenaient au patrimoine de la CGT..

 

Ce ralliement exigé par la CFDT pour qu’elle accorde son feu vert à l’affiliation de la CGT à la CES fut finalement accepté ! Ainsi, ce n’est donc pas la désaffiliation de la CGT de la FSM qui permit l’adhésion de la CGT à la CES puis à la CSI mais bien un changement d’orientation et pas seulement s’agissant de l’euro et la construction européenne. Le récent discours de S. Binet au dernier congrès de la CES confirme une adhésion sans nuances de la CGT aux conceptions et orientations du syndicalisme européen.

 

Quant à la CSI, les mêmes raisons furent invoquées. La convergence de la CGT au niveau mondial avec d’autres confédérations allait permettre, disait on, de réorienter le syndicalisme international pour en faire un outil au service de la lutte  contre les excès de la mondialisation. En réalité, les activités en Europe et dans les institutions internationales ont ainsi pris le pas sur une approche globale, transversale, militante qui était en phase avec les besoins de la CGT dans les entreprises.

 

Faire ce constat n’a rien de polémique, il s’agit de faits! Il est important que les militants de la CGT en soient informés pour qu’ils agissent dans la clarté des positions réelles. C’est d’ailleurs le cas de nombreuses organisations de la CGT qui en ont tiré les conséquences après débats dans leurs organisations respectives et en les menant jusqu’au bout pour certains en reprenant leur place dans les rangs de la FSM.

Aussi, ne faut-il pas se poser également la question de savoir si aujourd’hui les affiliations à la CES et la CSI demeurent pertinentes et si d’ailleurs à travers l’expérience concrète, elles ne l’ont jamais été.

 

12- Quel internationalisme.

 

L’internationalisme n’est pas une pétition morale, elle est un trait où devrait être un trait, constitutif d’une conception de la lutte de classes, du sens et de l’orientation donné à un combat comme à l’organisation de celui-ci.  Chaque lutte en influence une autre et contribue au succès de toutes. C’est vrai en France ça l’est tout autant à une toute autre échelle.

 

La solidarité internationale fait donc partie d’une démarche parce qu’elle vise à rassembler et unir les travailleurs à travers le monde pour leur permettre des rapports de force capables d’influer sur les choix, les décisions. Il s’agit d’une histoire qui est commune avec d’autres forces syndicales dans le monde. S’agissant de la CGT, c’est là son patrimoine et tous ses militants en sont comptables!

 

Il est donc nécessaire que la CGT s’inscrive dans cette continuité qui est indispensable au contenu de son action revendicative comme aux valeurs et principes qui sont et qui doivent demeurer les siens. A fortiori dans le contexte d’un aiguisement des luttes de classes au niveau international,  de la mondialisation du libéralisme et de l’influence des forces de la finance. Et plus encore si l’on tient compte de la conflictualité extrême et des risques d’une 3e guerre nucléaire mondiale que certains vient imminente.

 

Nous sommes entrés dans une nouvelle période de l’histoire de l’humanité entre risques et opportunités. La question qui se pose est de savoir si la CGT peut continuer dans la voie de ce syndicalisme international institutionnalisé coupé des réalités des luttes dans le monde et de surcroit aligné sur les positionnements des gouvernements occidentaux? Ainsi en est-il des évènements à Gaza, en Palestine et dans une région ou la CGT entretient de manière sélective des relations qui ne contribuent pas à l’unité et au rassemblement pourtant si nécessaire.

 

Les militants de la CGT ne saurait-être indifférente aux bouleversements dont le monde est le théâtre, elle ne saurait observer passivement les causes des conflits, des tensions, des crises, des menaces ou des risques de guerre. Par conséquent, elle doit avec les travailleurs prendre parti au nom de son histoire, de ses convictions et de générations de militants engagés dans la lutte pour la justice sociale, le progrès et la paix.

 

Voilà pourquoi la meilleure solidarité internationale est celle qui repose d’abord sur l’action  dans l’entreprise sur ce qui est le lieu de travail, car ce sont là que se noue les contradictions, là que nait la lutte de classes.  C’est donc à partir de là qu’il faut l’articuler avec celles d’autres travailleurs et d’autres forces syndicales ailleurs. C’est Benoit Frachon qui disait avec malice « avant de faire le tour du monde, il faut faire le tour de l’atelier ».

 

Les militants de la CGT sont des internationalistes, non pas en soit, de manière incantatoire ou pour la forme ! Mais tout simplement parce qu’on ne saurait concevoir le sens du combat de classes indépendamment de celui d’autres travailleurs dans le monde et de l’action de  leurs syndicats. Leurs victoires, mais aussi leurs défaites sont les leurs!

 

Ainsi, si l’on est d’accord pour dire que le mouvement syndical international est divers et si il est nécessaire d’échanger, de partager, d’écouter et d’apprendre les uns des autres, alors on ne saurait  exclure quiconque! Cela doit se faire dans le respect des positions de chaque organisation, sans jugement péremptoire, ou pire encore en cherchant à les masquer, à les cacher, à les travestir en faisant parfois preuve d’arrogance et de suffisance.

 

Concrètement, cela veut dire débattre avec tous sans discriminations, mais aussi sans concessions. Les travailleurs font  face à un même système, à un même adversaire, à une même logique d’exploitation et de prédation, à de mêmes objectifs de domination. Dans ce combat on ne saurait écarter aucune force toutes sont nécessaires. Nul ne saurait prétendre qu’il a seul la force qui lui permettra de résoudre les problèmes, ou qu’il a les réponses  aux défis auxquels nous sommes aujourd’hui tous confrontés. La CGT se doit de contribuer à cette ambition.

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